5/26/2012

Lettre de motivation #1




Donc voilà, tout a commencé avec mon père. C'est un peu à cause de lui en effet. Technicien à la Navale de St Nazaire, il lui arrivait d'emprunter certains week-end via son comité d'entreprise, un magnétoscope et quelques cassettes VHS. Lorsqu'il rentrait avec la mallette gris métal attachée au porte-bagage de sa mobylette, cela voulait dire que nous allions passer mes soeurs et moi, deux jours à mater des films à la chaîne, probablement en pyjama (au moins le dimanche). A peine arrivé et l'on découvrait sa sélection : Brazil, James Bond, des tas de films et documentaires sur la seconde guerre mondiale, des films d'horreur dont Evil Dead, La guerre des boutons, Elephant Man, les 400 coups, le Baron de Münchhausen (encore T. Guilliam, oui), Willow, Appelez-moi Johnny 5, les Goonies, Alien, Pirates, Shining, les Charlie Chaplin... Voilà quelque uns des mes premiers émois. Comme pour bien des gens à l'époque, choisir un film que l'on désirait voir était un luxe, un privilège qui commençait à peine à se répandre. Lorsque que je devais avoir neuf-dix ans, ma grande soeur a fait cadeau à mon père - ce téléphage-cinéphile ou cinéphile-téléphage je ne sais pas très bien - d'un magnétoscope et là, les choses ont changé. Plus la peine de se cacher à l'étage pour voir Poltergeist depuis le balcon lors de son passage à la télé (ce que nous faisions tout de même pour le sport), on pouvait désormais avoir accès à la demande aux films et enregistrer de manière individuelle et selon nos goûts propres, mais aussi se constituer un petite vidéothèque. Les échanges aussi commençaient. C'est ainsi que j'ai dû tomber un peu trop tôt (un mal pour un bien finalement) sur le Twin Peaks de David Lynch qui m'a vraiment marqué. Son ambiance flippante aurait dû me faire peur, son esthétisme et sa lenteur me détourner. Mais au contraire, je crois que j'ai été happée, fascinée par la narration, les personnages border-line dans lesquels que je me retrouvais - enfin?- et leur tragique ironie, la musique lancinante et collante comme de la sueur... Le mélange brillait comme une perle noire et résonnait comme un tambour dans mon inconscient à peine éclos. Je crois que c'est avec ce film que j'ai compris qu'il y avait une vision, un auteur derrière et qu'au lieu de le fuir, de m'en détourner, j'ai choisi volontairement de me livrer à lui afin qu'il me mène là où il avait envie. Même si j'avais peur de cet inconnu, je décidais de lui faire une totale confiance, le temps d'un film. Finalement, c'est aussi dans le cinéma que j'ai le plus cru ce jour là.

Sans titre


C'est un impossible passage de porche
Nous ne portons que notre poids et d'ici là
Le dos ploie de rancunes et reproches

Pauvrement vêtus, costumes sommaires, un âne devance la frêle caravane
On dirait que mieux que l'homme, la bête connait le soupire qui anéantit l'être, efface le rire
Plus volontaire, elle guide le couple miteux, plongé dans la boue de ses souliers
Passe le porche, le trio s'en tire
Qu'ainsi vive l'âge terne !