5/17/2015

Instantané #3

Hier soir, la voiture les ramenait à la maison. Il devait être deux heures. Elle avait l'impression d'avoir l'esprit clair, dégagé. Lui, il prenait la claque de l'alcool en pleine tête, lui montant dans le sang, de partout. Retour silencieux, pesant. Phase tranchante, dérangeante aussi. Un peu comme l'atmosphère bancale qui s'était installée à la soirée. Elle savait déjà qu'elle n'aurait pas dû en parler mais c'était trop tard. Le sentiment d'exclusion qu'elle avait ressenti s'était cristallisé sur le comportement pour le moins dissolu qu'il avait eu ce soir-là. L'avait-il embrassé ? Elle avait tourné la tête volontairement à ce moment, dans un excès de confiance. Mais elle voyait bien qu'il essayait d'obtenir satisfaction auprès de cette fille pour quelque chose. C'est cela qui avait crée le doute. Est-ce qu'il la voyait le regarder d'un œil noir dans le brouillard de son action ? Elle n'en savait rien. Une fois remontés à l'appartement, l'alcool avait pris toute la place. Il la regardait d'un air fou, bougeait dans tous les recoins de la pièce, tapait les meubles au passage, les portes, balançant les fringues. Elle ne pouvait plus rien contrôler alors elle le laissait se dépêtrer tout seul. De toutes façons, il devait la haïr à cet instant et elle avait peur que ça dérape. Lorsqu'elle lui avait trouvé du feu, il lui avait dit que si elle n'était pas contente de son comportement, elle n'avait qu'à retourner avec son ex et qu'il fallait qu'elle arrête de le faire chier. Sur ce, il était resté dans la cuisine et elle est allée se coucher, abasourdie et calmée de douleur. Elle n'avait quasiment pas dormi, ayant mal au cœur à cause des effluves d’alcool. Ils ne s'étaient rien dit lorsqu'il est venu se coucher. Le lendemain, elle était triste de ça, désolée de voir que c'est si difficile d'être bien à deux. Qu'il y a toujours des reproches à faire, que l'on ne faisait que passer de l'un à l'autre comme on superpose des couches à un mille feuille. Tous les états d'âmes étaient là et l'on passait seulement de l'un à l'autre. Elle regrettait de lui avoir parlé comme cela, ça n'avait servi à rien. En rentrant vers l'appartement après une longue marche silencieuse, ils s'étaient retrouvés devant un magasin de sport. Les vitrines n'étaient pas encore faites et deux mannequins, un homme et une femme s'y trouvaient, nus dans l'obscurité. A cet instant, elle aurait voulu être le mannequin de ce magasin.